samedi 13 août 2011

La verrière de saint Barthélemy et la promenade du bœuf gras en l’église de Bar-sur-Seine

Cette verrière est sans doute l’une des plus anciennes de l’église.
Placée dans la chapelle saint Joseph, la seconde chapelle nord, haute de 4 mètres 50 et large de 1 mètre 50, est composée de 3 lancettes trilobées et de trois soufflets et écoinçons au tympan.

Le vitrail de Saint Barthélemy de Bar-sur-Seine

Des deux panneaux historiés, représentant saint Barthélemy et la promenade du bœuf gras, ont été placés au centre de la verrière, dans la lancette centrale. Le reste de la verrière est composée de vitreries incolores losangées avec une bordure composée de rinceaux or et argent de style renaissance, portant les inscriptions JHS et AM, monogrammes du Christ et de Marie, et JESUS, en lettres gothiques sur des listels. Cette bordure disparaît au niveau des deux panneaux historiés.

   
Détails des bordures des lancettes


Un don de la confrérie des bouchers


  Une inscription en lettres gothiques, incomplète et très fragmentées, composée d'éléments de diverses provenance, des "remplois", s’étend sur le bas des lancettes. Elle a été décalée à la lancette centrale ; tandis qu’elle est au bas les lancettes gauche et droite, elle borde le bas du panneau de la « promenade du bœuf gras » dans la lancette centrale. Nous pouvons la restituer ainsi :


[...]UCHERS DE CESTE VILLE 
Le premier mot pouvant être restitué en "bouchers"
(bas de la lancette gauche)


FIRENT FAIRE CESTE VERIERE LAN
(au bas des panneaux historiés de la lancette centrale)


MIL V CENS […] M [...] DEU 
(au bas de la lancette droite)

1512, 1522 ?

La fin du bas de la troisième lancette n’est pas sûre ; des auteurs ont vu XII.
1512, c’est la date que donne A.-F. Arnaud en 1837, dans son Voyage archéologique et pittoresque dans le département de l’Aube.
La plupart des auteur hésite entre 1512 et 1522 (P. Piétremont de Saint-Aubin, « l’église Saint-Etienne de Bar-sur-Seine », Congrès archéologique de France, CXIIIe session, 1955, Troyes, p.318, même incertitude sur la date dans Les vitraux de Champagne-Ardenne. Corpus Vitrearum, CNRS, 1992, p.54).

Un morceau avec un DEU apparaît à l’extrême gauche, après un fragment sur lequel on lit "M", mais sa taille, plus petite que le reste de l’inscription, tendrait à nous faire penser qu’il ne lui appartient pas et qu’il n’est qu’un remploi.

 Ainsi rien ne permet de déterminer la date exacte de la verrière.
La dater de 1512 est fort douteux. Si ces doutes s’avéraient exacts, ce ne serait pas le vitrail le plus ancien, un autre est clairement daté de 1516 : celui consacré à saint Crépin et saint Crépinien. Par ailleurs, le prieur de la Sainte-Trinité, établissement religieux qui bordait au nord l'église, ne consent que le 27 mai 1527 à donner seize pieds dans ses jardins et bâtiments pour élargir l’église paroissiale. Ainsi, si la première pierre de l'église est, selon la tradition, posée en 1505, rien ne permet d’avancer que les travaux aient commencé avant 1527, surtout de ce côté nord, le plus ancien de la reconstruction.
Aussi, les vitraux de saint Barthélemy et saint Crépin et saint Crépinien ont pu être réalisés pour orner les fenêtres de l’église qui l’a précédée.

Saint Barthélemy

Saint Barthélemy
 Les Écritures ne connaissent pas le nom de Barthélemy, qui est sans doute un patronyme : Bar-Tolmaï (fils de Tolmaï, Tolémée ou Ptolémée). Il s’agit probablement de Nathanaël que saint Jean mentionne comme un des douze apôtres (1.45). Cependant, les Écritures ne nous apprennent rien de plus sur lui.

Dans la tradition occidentale, après la Pentecôte, il aurait prêché l’Évangile en Inde, évangélisé l’Arabie, la Mésopotamie et l’Arménie. Selon le martyrologe romain, dans ce dernier pays, il y avait un temple où l’on rendait les honneurs à l’idole Astaroth. On y venait entendre son oracle ou se faire délivrer des démons. Barthélemy s’y rendit et l’idole devint muette et ne fit plus de guérisons. Par ailleurs, l’apôtre réalisait des miracles. Il exorcisa même la fille du roi et ressuscita son fils. Le roi Astyage et sa famille se convertirent. L’idole voulut se venger ; elle convainquit le frère du roi de se saisir de lui. Il le fit écorcher vif. Dépouillé entièrement de sa peau, il eut ensuite la tête coupée.
Une légende dit que sur son lieu de sépulture, à Albane, de nombreux miracles s’accomplirent. Les païens voulurent alors se débarrasser de ses restes et enfermèrent ses reliques dans un cercueil de plomb. Celui-ci fut jeté à la mer et vint s’échouer sur l’Île de Lipari. Lorsque les Sarrasins s’emparèrent de l’île, la légende raconte qu’ils dispersèrent ses reliques ; mais un moine reçut dans une vision l’ordre de recueillir les ossements de l’apôtre et de les ramener à Rome.
Ce qui est certain, c’est que de l’Arménie, ses ossements furent transportés au VIe siècle dans l’une des îles Lipari, puis, en 809, à Bénévent, et enfin en 983 à Rome dans l’île Tibérine où une église lui fut dédiée par l’empereur Otton III (S.Bartolomeo all’Isola).
Sa peau passait pour être conservée à Pise, son chef à Toulouse.

Fêté le 24 août, il était le patron de nombreuses corporations des métiers qui dépouillent, préparent la peau et utilisent le cuir (bouchers, charcutiers, tanneurs, corroyeurs, gantiers, relieurs...). Certaines corporations des tailleurs le reconnaissaient aussi pour patron parce qu’il pouvait porter sa peau sur le bras comme un manteau.
Barthélemy était aussi un saint guérisseur invoqué pour les maladies nerveuses, les convulsions et les crises spasmodiques, qui pouvaient prendre l’aspect d’une possession, ce qu’il avait guéri en Arménie.

 Dans l’iconographie, Barthélemy était représenté avec comme attributs un grand couteau avec lequel il avait été écorché et sa dépouille pendue à son bras. C’est avec ces attributs qu’il a été représenté à Bar-sur-Seine. Il lève de la main droite un grand couteau et tient en arrière, de la main gauche, un livre. Sa peau est en deux morceaux, nouée par la peau des bras autour des épaules et par la peau des jambes autour de la taille. Il se tient debout dans une niche formée d’une arcade en plein cintre portée par deux pieds droits dorés et ornés de rinceaux qui supportent des chapiteaux cubiques rouges ornés de têtes de bœuf. L’abside de la niche est voûtée d’une coquille violette. Les écoinçons sont ornés d’un dragon à tête de bœuf. Si l’exécution du saint est encore de tradition médiévale, le cadre dans lequel il se tient est d’inspiration Renaissance.

La promenade du bœuf gras

La promenade du bœuf gras

   Sous la représentation du saint se tient une scène rare sinon unique, un sujet profane et d’origine païenne : « la promenade du bœuf gras ».

De part et d’autre, deux hommes guident le bœuf avec un ruban blanc passé derrière les cornes. Devant eux, un homme joue du tambour tandis qu’un autre joue de la flûte. Trois enfants les accompagnent.
Si nous ne savons rien de cette procession à Bar-sur-Seine, la procession est attestée dès le XVe siècle à Paris et dans nombreuses autres villes en France. La fête se déroulait le mardi gras, dans certaines régions comme le sud-ouest le Jeudi gras, jeudi précédent le Mardi gras, avant que ne soit proclamé Carême et l’interdiction de manger de la chair, et pour les bouchers celle d’en vendre et d’en étaler, à peine de vie.
A Paris, on le nommait le bœuf viellé, parce qu’il marchait au son des vielles. Le bœuf était peigné, couvert de housses, de tapisseries et de feuillage, et conduit en grande pompe dans les rues, accompagné de chansons et de danses chez le roi et les premiers magistrats du parlement. Sur son dos un enfant nu, avec un ruban bleu en écharpe, un sceptre doré d'une main et une épée de l'autre, s'appelait le roi des bouchers.